ANDREE FOUGERE
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HARCELEMENT MORAL ET POUVOIR DE DIRECTION


En vertu de l’article L. 1152-1 du Code du Travail : « Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

« L’article L. 1154-1 du même Code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné justifie de la matérialité de faits précis, qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que son comportement est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

(C.A. PARIS, Pôle 6 Ch. 6, 23 novembre 2016, N° 13/04473)

 

Si le harcèlement moral a vocation à prospérer dans le monde du travail, la condamnation d'un employeur n'en soulève pas moins une évidente difficulté, lorsque l'exercice de son autorité peut le conduire à adopter des comportements ou à avoir des propos que le salarié tiendra pour du harcèlement, alors qu'ils ne sont que la conséquence inéluctable des rapports contractuels les unissant.

Aussi la jurisprudence a-t-elle jugé que le harcèlement n'apparaît qu'au-delà de ce que ce pouvoir de direction autorise en vertu de l'article L. 1121-1 du Code du travail aux termes duquel l'employeur « ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché »

Ne constitue pas un harcèlement moral l'exercice légitime par l'employeur de son pouvoir de direction ou de son pouvoir disciplinaire. Ainsi, ne s'analyse pas en harcèlement moral le fait d'infliger à un salarié une sanction disciplinaire justifiée (Cass. soc., 31 mai 2012, n° 10-22.759) ou de rappeler par courrier au salarié son obligation de respecter ses horaires de travail (Cass. soc., 23 juin 2010, n° 08-44.028).

 

En revanche, le harcèlement moral peut être constitué s'il apparaît que l'employeur (ou son représentant) a fait un usage abusif de ses pouvoirs.

Ainsi " la tenue de propos humiliants et vexatoires à un subordonné excède les limites du pouvoir de direction."

(Cass. crim., 19 juin 2018, n° 17-84.007, D - JurisData n° 2018-010724)

« Le harcèlement moral ne doit pas être confondu avec les exigences du travail subordonné. En effet de simples contraintes imposées par les impératifs de gestion ne sauraient contribuer à sa reconnaissance, comme également, les réactions de l’employeur à l’insuffisance professionnelle qui n’appellent pas de critique tant qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une exécution loyale du contrat de travail.

Il en est de même des observations voire des sanctions prononcées pour encourager le respect des règles internes à l’entreprise qui sont analysées comme l’expression légitime du pouvoir disciplinaire de l’employeur. »

(C.A. PAU, Ch. Soc., 4 février 2016, N° 13/03048)

« Le harcèlement ne saurait se confondre ni avec les critiques justifiées induites par le comportement professionnel du salarié, ni avec les contraintes imposées par les impératifs de gestion qu’il est susceptible de mal ressentir ni encore avec des difficultés relationnelles avec des collègues de travail ou sa hiérarchie.

Il nécessite en outre pour être constitué la démonstration de faits objectifs. »

(C.A. PARIS, A, 4 juin 2009, N° 07/05933)

 

Un arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 3 juillet 2018 est à cet égard très explicite puisqu'il écarte le harcèlement en retenant successivement:

le fait pour l'employeur de manifester son mécontentement et de formuler des reproches en direction d'un salarié,

- qui trouvent, comme il est établi, leur justification dans les exigences ou les remarques notamment du client,

- dès lors que ces critiques sont exprimées en termes modérés, exempts de propos irrespectueux, insultants, humiliants ou vexatoires.

"Ne constitue pas un harcèlement moral le fait pour l'employeur de manifester son mécontentement et de formuler des reproches en direction d'un salarié, le statut de cadre permettant au contraire à l'employeur d'être exigeant.

En outre, la formulation par un supérieur hiérarchique, même de nombreuses critiques par écrit, ne relève pas d'un comportement anormal de la hiérarchie qui doit assumer ses responsabilités dès lors que ces critiques sont exprimées (...) en termes modérés, exempts de propos irrespectueux,insultants, humiliants ou vexatoires ,et qu'elles trouvent, comme il est établi, leur justification dans les exigences ou les remarque notamment du client, comme en l'espèce, s'agissant de l'avertissement du 26 juin 2012.

Le harcèlement moral ne doit pas se confondre avec les tensions et conflits pouvant surgir avec l'employeur ou les reproches que ce dernier est en droit d'adresser à un salarié, ni le stress et le surmenage, tout élément qui peut aboutir à une altération de l'état de santé de l'intéressé sans que celle-ci soit imputable à l'employeur."

(Cour d'appel PARIS Pôle 6, chambre 11, 3 Juillet 2018 – n° 14/12822)

Les limites de l'exercice du pouvoir de direction sont à rechercher dans l'abus de pouvoir qui peut se manifester tant dans la forme dans laquelle les critiques sont  exprimées que dans leur justification au regard des fonctions exercées par le salarié.


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