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TESTAMENTS AUTHENTIQUES : PRINCIPES JURISPRUDENTIELS GOUVERNANT LA REGLE DE LA DICTEE


Le testateur doit dicter lui-même ses dispositions testamentaires, en présence constante des témoins. Cette obligation ne valant que pour la partie testamentaire proprement dite.

En vertu de l’article 972 du Code Civil : « Si le testament est reçu par deux notaires, il leur est dicté par le testateur ; l’un de ces notaires l’écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement. S’il n’y a qu’un notaire, il doit également être dicté par le testateur…

Dans l’un et l’autre cas, il doit en être donné lecture au testateur.

Il est fait du tout mention expresse. »

 

La Cour de Cassation fait une application rigoureuse de ces dispositions en exigeant que le testateur énonce lui-même et de manière orale ses dispositions testamentaires, et ce à peine de nullité.

 

Ainsi en a jugé la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 18 mai 2011 en cassant, au visa de l’article 972 du Code Civil, un arrêt qui avait rejeté la demande d’inscription de faux aux motifs « d’une part, qu’il résultait des témoignages et pièces versés que Robert Y… comprenait bien ce qui lui était dit, et maitrisait suffisamment le français pour mesurer, avec l’aide du notaire, la portée de la décision qu’il prenait de sorte que l’expression « dicter » utilisée par le document doit s’entendre comme signifiant qu’il a pu exprimer correctement sa volonté devant cet officier public de manière à lui permettre de la traduire sous une forme juridique, et d’autre part, qu’il résulte des déclarations de l’infirmière qui avait suivi Yvonne Y… à son retour de l’hôpital que si l’accident cérébral qu’elle avait eu en 1994 lui avait laissé des difficultés d’élocution et des pertes de mémoire, son jugement n’en était pas pour autant altéré, pas davantage sa faculté de compréhension, de sorte qu’elle était apte à comprendre, les explications du notaire aidant, la portée de l’engagement qu’elle prenait.

Qu’en se déterminant ainsi, sans constater que les testateurs avaient énoncé oralement, eux-mêmes, les dispositions testamentaires prises, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé. »

(Cass. 1ère Ch. Civ., 18 mai 2011, N° 09-15231, JurisData 2011-009086)

 

Il s’agit d’une jurisprudence constante puisque la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 4 juin 2007 avait rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de Cour d’Appel qui avait décidé qu’un testateur « qui ne pouvait s’exprimer que par quatre mots et des mimiques en raison d’une hémiplégie droite et d’une aphasie consécutives à un accident vasculaire cérébral n’avait pu dicter un testament… »

(Cass. Ch. Civ. 1, 4 juin 2007, N° 05-21189)

 

Dans un article intitulé « Dicter ce n’est pas seulement approuver », Monsieur Bernard BEIGNIER faisant le commentaire de l’arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation du 18 mai 2011 rappelle que : « S’il est un testament au formalisme absolu, rigide, per se, bien éloigné du « formalisme causé » de l’olographe, c’est bien le testament par acte public notarié…

En clair, le testateur, non seulement doit avoir des capacités intellectuelles d’émettre une volonté non suspecte de défaillance (C. Civ. Art. 901) mais, en outre, il doit disposer de capacités physiques d’expression verbale de ladite volonté. Pour faire un tel testament, il ne faut pas avoir toute sa tête, il faut, encore, avoir sa langue !

En l’espèce, la Cour d’Appel, avec une bonne volonté, a tenté de sauver cet acte en faisant valoir que le testateur était apte à comprendre les explications du notaire et avait pu exprimer suffisamment son accord. Impitoyable la Cour de Cassation réduit à néant l’arrêt : dicter ce n’est pas seulement approuver.

Redisons-le : un testament est l’acte qui contient les dernières volontés ; il ne doit pas être le dernier acte d’une vie déclinante. C’est un acte d’anticipation plus qu’un acte final. Quand il est trop tard, le notaire doit s’abstenir d’instrumenter. »

(Dicter ce n’est pas seulement approuver : revue Droit de la famille,

N° 7-8 juillet 2011, Comm. 114)

 

Cependant  le testament est réputé avoir été dicté au sens de l'article 972 lorsque le notaire inscrit sur un brouillon les énonciations au fur et à mesure qu'elles sont exprimées oralement par le testateur et s'aide ensuite de ce brouillon pour effectuer la rédaction de son acte (CA Paris, 2e ch., sect. B, 18 nov. 1999, n° 1998/09828 : JurisData n° 1999-104448) (Cass. 1re civ., 24 nov. 1998, n° 96-19.886 .)

Le notaire ne saurait ni modifier ni compléter les volontés qui lui sont dictées. Mais la transcription n'est pas nécessairement littérale : il est permis au notaire de se comporter en secrétaire intelligent afin que la volonté déclarée du testateur soit consignée aussi clairement que possible

Ainsi le notaire peut donner une forme juridique aux propos qu'il recueille, en mentionnant les précisions nécessaires à l'efficacité du testament (Cass. 1re civ., 18 sept. 2002, n° 00-10.577 : JurisData n° 2002-015489 )

Le notaire a un devoir de conseil limité à la seule efficacité de l'expression des volontés du testateur.

"Si le notaire, qui est tenu d'un devoir de conseil, peut poser au testateur des questions afin de clarifier les volontés de celui-ci et de s'assurer que sa volonté réelle a bien été comprise, ces questions ne peuvent être qu'un complément à l'expression orale du testateur". (Cass. 1re civ., 4 juin 2007, n° 05-21.189 : JurisData n° 2007-039209 ;

Le testateur peut également avoir dicté son testament en une langue étrangère connue du notaire, qui l'a traduit en français puis l'a relu dans la langue où il lui a été dicté.  (Cass. 1re civ., 28 févr. 2006, n° 13-19.075 : JurisData n° 2006-032396).

Depuis la Réforme du 16 février 2015 le notaire qui ne connaît pas la langue étrangère dans laquelle s'exprime le testateur peut recourir à un traducteur –

La loi n° 2015-117 du 16 février 2015 a modifié l'article 972 du Code civil. de sorte que le recours à un interprète est désormais possible lorsque le testateur ne comprend pas le français et aussi lorsqu'il peut ni parler ou entendre, ni lire et écrire (C. civ., art. 972, al. 4 et 6).

Une autre disposition intéressante est introduite dans cet article. Lorsque le testateur ne peut pas parler mais peut écrire, le notaire rédige le testament au vu des notes écrites par le testateur, qui lit ensuite le testament et confirme par écrit le bien comprendre et qu'il est conforme à sa volonté (C. civ., art. 972, al. 5).

au delà de ces aménagements, la règle de la dictée reste de rigueur car elle est destinée avant tout à protéger le testateur.


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