TESTAMENTS AUTHENTIQUES : PRINCIPES JURISPRUDENTIELS GOUVERNANT LA REGLE DE LA DICTEE
La Cour de Cassation fait une application rigoureuse de ces dispositions en exigeant que le testateur énonce lui-même et de manière orale ses dispositions testamentaires, et ce à peine de nullité.
Ainsi en a jugé la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 18 mai 2011 en cassant, au visa de l’article 972 du Code Civil, un arrêt qui avait rejeté la demande d’inscription de faux aux motifs « d’une part, qu’il résultait des témoignages et pièces versés que Robert Y… comprenait bien ce qui lui était dit, et maitrisait suffisamment le français pour mesurer, avec l’aide du notaire, la portée de la décision qu’il prenait de sorte que l’expression « dicter » utilisée par le document doit s’entendre comme signifiant qu’il a pu exprimer correctement sa volonté devant cet officier public de manière à lui permettre de la traduire sous une forme juridique, et d’autre part, qu’il résulte des déclarations de l’infirmière qui avait suivi Yvonne Y… à son retour de l’hôpital que si l’accident cérébral qu’elle avait eu en 1994 lui avait laissé des difficultés d’élocution et des pertes de mémoire, son jugement n’en était pas pour autant altéré, pas davantage sa faculté de compréhension, de sorte qu’elle était apte à comprendre, les explications du notaire aidant, la portée de l’engagement qu’elle prenait.
Qu’en se déterminant ainsi, sans constater que les testateurs avaient énoncé oralement, eux-mêmes, les dispositions testamentaires prises, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé. »
(Cass. 1ère Ch. Civ., 18 mai 2011, N° 09-15231, JurisData 2011-009086)
Il s’agit d’une jurisprudence constante puisque la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 4 juin 2007 avait rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de Cour d’Appel qui avait décidé qu’un testateur « qui ne pouvait s’exprimer que par quatre mots et des mimiques en raison d’une hémiplégie droite et d’une aphasie consécutives à un accident vasculaire cérébral n’avait pu dicter un testament… »
(Cass. Ch. Civ. 1, 4 juin 2007, N° 05-21189)
Dans un article intitulé « Dicter ce n’est pas seulement approuver », Monsieur Bernard BEIGNIER faisant le commentaire de l’arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation du 18 mai 2011 rappelle que : « S’il est un testament au formalisme absolu, rigide, per se, bien éloigné du « formalisme causé » de l’olographe, c’est bien le testament par acte public notarié…
En clair, le testateur, non seulement doit avoir des capacités intellectuelles d’émettre une volonté non suspecte de défaillance (C. Civ. Art. 901) mais, en outre, il doit disposer de capacités physiques d’expression verbale de ladite volonté. Pour faire un tel testament, il ne faut pas avoir toute sa tête, il faut, encore, avoir sa langue !
En l’espèce, la Cour d’Appel, avec une bonne volonté, a tenté de sauver cet acte en faisant valoir que le testateur était apte à comprendre les explications du notaire et avait pu exprimer suffisamment son accord. Impitoyable la Cour de Cassation réduit à néant l’arrêt : dicter ce n’est pas seulement approuver.
Redisons-le : un testament est l’acte qui contient les dernières volontés ; il ne doit pas être le dernier acte d’une vie déclinante. C’est un acte d’anticipation plus qu’un acte final. Quand il est trop tard, le notaire doit s’abstenir d’instrumenter. »
(Dicter ce n’est pas seulement approuver : revue Droit de la famille,
N° 7-8 juillet 2011, Comm. 114)