CREDIT A LA CONSOMMATION: DEVOIR DE MISE EN GARDE ET OBLIGATIONS LEGALES D'INFORMATION, D'EXPLICATION ET DE VERIFICATION DE SOLVABILITE
En matière de prêt à la consommation et pour assurer la protection de l'emprunteur, le banquier dispensateur de crédit doit satisfaire, préalablement à la signature du contrat de prêt, à un certain nombre d'obligations légales d'information, d'explication et de vérification de solvabilité, et sous certaines conditions à un devoir de mise en garde..
Le devoir de mise en garde, qui est une création prétorienne développée depuis 2007 au visa de l’ancien article 1147 du code civil devenu l’article 1240 du même code, ne doit pas être confondu avec les obligations légales d’information, d’explication et de vérification de solvabilité, issues de la loi LAGARDE n° 2010-737 du 1er juillet 2010,
- tant au regard de leur condition d'application,
- que de leur contenu,
- et de leurs sanctions.
SUR LES CONDITIONS D'APPLICATION
Alors que les obligations légales d’information, d’explication et de vérification de solvabilité s'imposent en tout état de cause au prêteur, en vertu des articles L.312-14 et L.312-16 du code de la consommation, le devoir de mise en garde ne s’impose au prêteur, qu’en tenant compte de la situation particulière de l’emprunteur, puisqu’à la double condition :
- Que son cocontractant soit une personne non avertie,
- Et qu’il existe un risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt, lequel résulte de l’inadaptation dudit prêt aux capacités financières de l’emprunteur (Cassation 1ere civile 19 novembre 2009, n°08-13.601).
SUR LES CONTENUS
Alors que les obligations légales d'information et d'explication prescrites par l'article L.312-14 du code de la consommation consistent à attirer l'attention du prêteur sur les caractéristiques objectives du prêt, le devoir de mise en garde consiste à alerter l’mprunteur sur le risque d’endettement excessif lié à l’octroi du crédit, dès lors que ses capacités financières pourraient s’avérer insuffisantes pour faire face à l’endettement souscrit, et il incombe au fournisseur de crédit de justifier de l’accomplissement de ce devoir.
L'obligation d'information ou de renseignement porte sur des faits objectifs envisagés abstraction faite de la situation particulière du créancier…
D'autre part, l’article L.312-16 du Code de la consommation impose au prêteur, l’obligation de rechercher ou d’analyser la solvabilité de l’emprunteur, et non de l'alerter sur le risque d'un endettement excessif né de l'octroi du prêt.
L'exécution de cette obligation est un préalable indispensable à l'exécution du devoir de mise en garde, si les deux conditions d'application cumulatives citées ci-dessus sont bien réunies.
SUR LES SANCTIONS
Alors que le manquement au devoir de mise en garde est sanctionné par des dommages intérêts alloués en considération du préjudice subi, le non-respect des obligations légales d'information, d'explication et de vérification de solvabilité est sanctionné par la déchéance totale ou partiels des intérêts conventionnels, en vertu des articles suivants:
Article L.341-1 « Sous réserve des dispositions du second alinéa, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l'article L. 312-12 ou, pour les opérations de découvert en compte, à l'article L. 312-85 est déchu du droit aux intérêts. »
Article L.341-2 « Le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. »
L’article L.341-8 du Code de la consommation précise que « Lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu.
Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû. »
Les actions en responsabilité et en déchéance du droit aux intérêts procèdent de causes différentes et sont destinées, l’une à réparer un endettement excessif généré par un manquement au devoir de mise en garde, l’autre à sanctionner le non-respect d’obligations légales d’information ou d’explication.
Destinée à assurer le respect des règles protectrices instaurées par les articles L.311-1 et s. du code de la consommation en faveur de l’ensemble des consommateurs, la sanction de déchéance des intérêts n’est pas subordonnée à l’existence d’un préjudice quelconque ou d’un grief pour l’emprunteur. (Cour d’appel PARIS, Pôle 4 Chambre 9, 25 octobre 2018 – n° 17/06533
Il est possible de cumuler la condamnation à des dommages intérêts pour manquement au devoir de mise en garde, et la déchéance des intérêts contractuels pour violation des obligations légales d’information, d’explication et de vérification de solvabilité prescrites par la loi Lagarde de 2010.
Dans un arrêt du 7 juin 2023, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a en effet d’une part reconnu le bien-fondé d’une action en dommages intérêts pour manquement au devoir de mise en garde, en rejetant le pourvoi incident, et d’autre part cassé l’arrêt qui avait débouté l’emprunteur de son action en déchéance du droit aux intérêts pour violation des obligations légales précontractuelles, en accueillant le pourvoi principal..(Cassation 1ère Chambre civile, 7 juin 2023 - n°22-15.552)
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