CONDITIONS DE VALIDITE DE LA MODIFICATION DE LA CLAUSE BENEFICIAIRE
Les conditions de validité de la modification de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie sont fixées par la Jurisprudence au visa de l’article L223-10 du Code de la mutualité, dont l’article L132-8 du Code des assurances comporte des dispositions quasi similaires, et qui dispose:
« En l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans le bulletin d'adhésion ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le cotisant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord du membre participant, lorsque celui-ci n'est pas le cotisant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par la modification du bulletin d'adhésion, soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire… »
Dans un arrêt du 13 juin 2019 publié au Bulletin, la Cour de cassation fait une application stricte de l'article L. 132-8 du Code des assurances : elle juge que l’écrit établi par l'assuré et dont l'organisme assureur n’a pas eu connaissance de son vivant, ne permet pas de réaliser la modification des bénéficiaires:
« Vu l'article L. 132-8 du Code des assurances dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance ; qu'en l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre ; que cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant ; que cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du Code civil, soit par voie testamentaire ;
… que l'arrêt retient encore que Bernard W. avait expressément indiqué, dans un écrit daté du 29 juillet 1987 et signé, que le capital-décès de son assurance-vie revenait à son fils ; que ce document, de façon autonome par rapport au testament olographe du 10 août 1987, comporte incontestablement une intention révocatoire de la clause bénéficiaire et a pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital-décès à Mme Francine W., en lui substituant M. Arnaud W. ; que ce document est cohérent, dans un contexte de séparation des époux W., avec les autres dispositions testamentaires du défunt qui visent à instituer son fils légataire de tous ses biens ;
« Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'écrit daté du 29 juillet 1987 avait été envoyé à l'assureur le 18 octobre 1991, soit postérieurement au décès de Bernard W., ce dont il résultait que l'assureur n'en avait pas eu connaissance du vivant de l'assuré, et alors qu'elle n'a pas caractérisé que cet écrit constituait un testament olographe dont M. Arnaud W. aurait été fondé à se prévaloir, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé »
(Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-14.954 : JurisData n° 2019-009969)
La formulation retenue par la Cour soumet la faculté de modifier le nom du bénéficiaire aux conditions suivantes :
1- que la volonté soit exprimée de manière certaine et non équivoque
2- et que l'assureur en ait eu connaissance du vivant de l’assuré.
Dans un arrêt du 13 septembre 2007 la Cour avait également indiqué que « l'assuré peut modifier jusqu'à son décès la répartition du capital entre les bénéficiaires, dès lors que la volonté du stipulant est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que, comme en l'espèce, l'assureur en a eu connaissance ». Mais, dans l'arrêt de 2007, cette connaissance paraissait pouvoir être postérieure au décès, ce qui ne semble pas être le cas en l'espèce puisque la Cour de cassation insiste précisément sur le fait que l'assureur n'a pas eu connaissance de la substitution du vivant de l'assuré.
(Cass. 2e civ., 13 sept. 2007, n° 06-18.199 : JurisData n° 2007-040400
La jurisprudence de la Cour de cassation semble donc avoir évolué dans le sens de la rigueur.
Néanmoins, la connaissance par l'assureur de la modification « du vivant de l’assuré » pourrait simplement s’expliquer comme le moyen de s’assurer du caractère « certain et non équivoque » de la volonté exprimée par l’assuré ou l’adhérent: la deuxième chambre civile estime que, en dehors du testament olographe et de la cession de créance, seule la connaissance par l'assureur de la modification du bénéficiaire avant le décès du souscripteur vaut comme preuve de la volonté certaine et non équivoque du souscripteur.
Le principe posé par l’arrêt du 13 juin 2019 s’applique à tous les actes de modification de bénéficiaires qu’ils respectent le formalisme de l’article L132-8 du Code des assurances ou celui de l’article L223-10 du Code de la mutualité
Ce principe se comprend d’ailleurs parfaitement dans la mesure où la recherche de la volonté certaine et non équivoque de l’assuré est beaucoup plus difficile à mener lorsque l’acte de modification est transmis à l’assureur postérieurement au décès: le défaut de transmission à l'assureur pourrait signifier que l'assuré y aurait finalement renoncé...
Au-delà de la vérification matérielle de l’écriture et de la signature, s’impose aussi celle de la capacité (abus de faiblesse) et du consentement.
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